Crise sécuritaire dans la province du Sanmatenga: Le calvaire des élèves filles-mères dans les établissements secondaires à Kaya
Dans les écoles africaines, les filles enceintes et jeunes mères sont souvent confrontées à une forte stigmatisation de la part des autres élèves, des responsables des écoles et de leur communauté. Les attitudes discriminatoires poussent certaines filles à abandonner, d’autres sont toujours accrochées à leurs études. C’est le cas des élèves filles-mères des établissements secondaires dans la province du Sanmatenga, région du Centre-Nord au Burkina Faso, un pays en proie à une crise sécuritaire depuis 2015 où la situation des filles-mères en milieu scolaire ne fait que prendre de l’ampleur de jour en jour. Le hic, c’est que ces élèves filles-mères sont pour la plupart abandonnées à leur triste sort. Pour en savoir davantage, nous avons réalisé un grand reportage dans 3 grands établissements secondaires de la ville de Kaya, les 12, 19, 21 et 23 janvier 2023. Le constat est clair : « Le phénomène existe, c’est une réalité car les filles viennent à l’école avec leurs enfants. » Il n’existe pas d’infrastructures réalisées dans ces établissements pour garder les bébés de ces filles-mères. Selon l’avis des structures que nous avons interrogé notamment la Direction régionale du genre et de la famille du Centre-Nord : « Il faut noter que 1 à 2/5 filles aujourd’hui dans la province du Sanmatenga, la Région du Centre-Nord voir même le Burkina Faso en particulier a un enfant en charge et c’est une situation que nous pouvons passer tout une journée à épiloguer.»
Rasmata Bébé SAWADOGOGO
Il est 8h 24 mn au lycée privé GS/EDP de Kaya ce lundi 12 janvier 2023. Ce lycée est situé au secteur 6 de Kaya, à quelques 20 mètres de la RN 3, route de Dori, côté Ouest. Nous venons d’arriver dans l’enceinte de l’établissement. Les élèves sont déjà en classe pour les cours. Nous décidons de patienter à côté de l’administration. Tout à coup, comme une coïncidence, nous apercevons une élève enceinte qui se dirige vers les toilettes. Pendant ce temps, les membres de l’administration s’apprêtent pour nous recevoir. Quelques minutes plus tard, le chef d’établissement nous fait appelle dans son bureau. C’est le début de notre entretien sur la situation des élèves filles-mères, un phénomène qui défraye la chronique dans les établissements secondaires de la ville de Kaya. Notre premier interlocuteur est Jean-Baptiste Bakyono, représentant le Directeur de l’établissement. A l’en croire sur ce phénomène des élèves filles-mères : « Le phénomène existe c’est une réalité car les filles viennent à l’école avec leurs enfants. C’est un problème social au regard des conditions dans lesquelles ces élèves sont, étant donner qu’elles sont toujours sur les bancs. Ce n’est pas du tout facile.»
Jean-Baptiste Bakyono, représentant le Directeur de l’établissement : « On dénombre présentement 8 filles-mères mariées parmi les 28 »
Plus, loin il avance en nous donnant plus de détails : « Selon notre statistique on a présentement 28 élèves filles-mères et il y a d’autres qui sont enceintes. Mais il faut noter qu’il y a deux catégories de filles-mères au sein de notre établissement, celles qui sont mariées et celles non mariées. On dénombre 8 filles-mères mariées parmi les 28. Et compte tenu de la situation dans laquelle elles vivent, nous avons aménagé une salle pour garder les enfants et les nourrices afin d’éviter les dérangements et les perturbations des cours. Mais vue la situation sécuritaire que nous traversons actuellement, nous avons accueilli beaucoup d’élèves déplacés internes et par manque de salles de classe, la salle est occupée.»
Le contexte sécuritaire, facteur déclencheur
La fermeture des établissements dans les zones d’attaques terroristes ont forcément crée la fuite des élèves vers les centres urbains comme Kaya. Ce qui n’est pas sans conséquences : « Et les nourrices se retrouvent devant les salles de classe avec les enfants qui souvent dérangent les cours. Il y a aussi les retards et les absences qui jouent sur leur rendement scolaire. Mais heureusement nous avons des professeurs qui comprennent. Ce qui permet de continuer avec nos encouragements. » Pour ce faire, Jean-Baptiste Bakyono lance un cri de cœur pour une prise de mesures fortes au profit de ces élèves filles-mères : « Je termine mes propos par un cri de cœur en invitant toutes les personnes de bonne volonté de venir en aide pour qu’ensemble nous puissions soutenir ces filles-mères qui ont le courage de continuer l’école malgré leurs situations et de prendre soin de leurs enfants afin de contribuer au développement du pays. »
Véronique Sawadogo, élève en classe de TleA au GS/EDP : « Après mon accouchement j’ai fait une année blanche car je n’avais personne pour m’aider avec mon enfant »
Sur la base des statistiques que nous avons reçues du représentant du Directeur de GS/EDP, nous nous sommes approché des filles-mères pour mieux comprendre la situation dans laquelle elles vivent. Nous tendons notre micro à Véronique Sawadogo, élève en classe de TleA. Elle accepte témoigner en tant que fille-mère non mariée. Véronique raconte son calvaire : « J’ai 24 ans. Mon enfant a 2 ans actuellement et la nourrice à 12 ans. J’ai eu mon enfant en classe de 2nde. Je vie présentement avec mes parents. Au départ ça n’a pas été facile pour moi avec mes parents. Mais par la suite ils m’ont compris et ça va maintenant. Après mon accouchement j’ai fait une année blanche car je n’avais personne pour m’aider avec mon enfant afin que je puisse venir à l’école. Etant fille-mère ce n’est pas facile avec les études. Tu veux bosser, l’enfant pleure. Il y a la fatigue et je dois quitter l’école pour venir préparer et prendre soin de l’enfant, il y a les retards à l’école aussi. »
La fille-mère, sous le regard moqueur de la société
La souffrance de Véronique ne s’arrête pas là : « Je me débrouille avec mon enfant pour la prise en charge. Ce sont mes parents qui s’occupent de moi et de mon enfant. Le père de mon enfant est un étudiant. Il ne fait rien comme travail et je n’ai pas un soutien de ma belle famille aussi. En tant que fille-mère je suis mal vue par la société et même avec mes camarades le regard a changé. » Certes, la vie de l’élève fille-mère est jalonné de toutes formes de violences morales, mais, à entendre Véronique Sawadogo, il faut s’armer de courage : « Parfois, il y a des moqueries mais je tiens bon avec les encouragements des professeurs qui sont compréhensifs en classe. Et je pense que demain sera meilleur.»
Rihanata Sawadogo, élève en classe de TleD, mariée et vivant avec son mari : « Je n’ai pas de problème en tant que fille-mère »
Après Véronique, nous nous tournons vers Rihanata Sawadogo, élève en classe de TleD. Elle a 25 ans, mariée et vivant avec son mari. Contrairement à notre précédente interlocutrice, Rihanata a la chance : « Je n’ai pas de problème en tant que fille-mère. Mon mari prend soin de mon enfant et moi. Il est enseignant et il me soutient. Mon enfant a 4 ans et ma nourrice a 12 ans. J’ai eu mon enfant après mon mariage. Je me suis organisée pour mon ménage et mes études et Je me sens mieux dans mon foyer, à l’école, avec mes camarades et mes professeurs. Mon seul souci est que je n’arrive pas à bosser avec mes camarades la nuit à une certaine heure car je suis mariée. » A côté d’elle, nous tendons notre micro à Natacha Sawadogo qui fait la classe de TleA. Elle n’est pas mariée. A 21 ans, elle est contrainte de supporter la charge de son enfant : « Je vis seule avec mon enfant qui n’a que deux (2) mois. Au début de mon accouchement, je laisse mon enfant avec les voisines afin d’aller à l’école car je n’ai pas de nourrice et personne ne là pour m’aider. »
Natacha Sawadogo, assise à côté de sa mère, son seul soutien
Selon elle, son seul soutien actuellement, c’est sa mère qui est arrivée à Kaya. Natacha a malheureusement été bannie par son père qui ne veut plus la voir dans son entourage. Elle raconte son clavaire en ces termes dans un soupir : « En tant que fille-mère, je souffre beaucoup. Je suis bannie par mon papa et le père de mon enfant rejeté par mes parents et je me retrouve seule avec mon enfant. Je suis contrainte de continuer mes études pour être accepté par mon papa et là je suis sans soutien. Je dois me débrouiller pour me nourrir et prendre soin de mon enfant. Le père de mon enfant ne prend pas soin de mon enfant et moi car son aide est rejeté par ma mère. Et actuellement c’est elle qui m’aide comme elle peut. Au dépars j’ai failli me suicider mais avec les conseils de mes sœurs, j’ai pu tenir ma grossesse jusqu’à terme. Et c’est même ma sœur qui a pris la maison pour moi pour que je puisse continuer mes études. Je n’ai pas assez à manger le lait me manque pour téter l’enfant. J’ai eu ma grossesse en classe de 1ère et j’ai passé en classe supérieur avec 12 de moyennes malgré ma situation. Je n’arrive pas bosser comme il se doit. Les camarades se moquent de moi parfois à l’école et j’ai souvent envi d’abandonner mes études mais les professeurs m’encouragent à chaque fois. »
Malgré sa situation, Natacha ne baisse pas les bras. Elle invite par ailleurs les parents à considérer leurs filles, à avoir pitié d’elles car elles demeurent toujours leurs enfants : « Je demande aux personnes de bonne volonté de m’aider et d’aider les autres aussi à continuer les études comme il se doit. Et quant aux parents je leur demande de ne pas rejeter leurs enfants quelque soit la situation car elles restent toujours leurs enfants et a mes camarades de s’abstenir et de ne pas se moquer des autres car ce qui nous arrivent aujourd’hui peut aussi les arriver demain. », martèle-t-elle avec des larmes aux yeux.
Edith Sawadogo, mère de Natacha Sawadogo à propos des filles-mères
« Je m’occupe du bébé pour permettre à ma fille de continuer ses études.»
« Je m’occupe du bébé pour permettre à ma fille de continuer ses études. Il est bien vrai que sa grossesse m’a découragé vu l’évolution de ses études et l’éducation que je lui ai donnée. Je ne m’y attendais pas. Mais c’est la volonté de Dieu et l’erreur est humaine. Cet acte de ma fille fut vraiment une honte pour nous. Mais elle est passagère. Comme on n’aime le dire en langue mooré « Lorsqu’un canari d’eau se casse sur ta tête tu es obligé de te laver avec son eau. » Cette honte que je vie aujourd’hui est passagère. Et j’ai compris que personne ne le fera à ma place étant vivante. Si j’abandonne ma fille, la société risque de la rejeter aussi. C’est pourquoi je me suis ressaisie et mise à l’aider pour qu’elle puisse aller de l’avant. C’est vrai que c’est difficile car je faisais mon petit commerce au village pour m’occuper d’elle et aujourd’hui je ne peux plus rien faire compte tenu de la situation. Mais on fait avec et je demande aux personnes de bonnes volontés de bien vouloir m’aider. Je vous remercie d’avoir pris cette situation en compte dans votre travail. Cela nous soulage beaucoup. Que le seigneur vous accompagne.»
Outre les élèves que nous avons rencontrés, nous nous sommes tournés vers les enseignants. Notre interlocutrice est Abiba Zarani/Sawadogo, Professeur certifiée des lycées et collèges, option Français. Elle décrit le contexte en ces termes : « La situation des filles-mères est une réalité dans différents établissements. C’est une situation qui n’émane de personne. Il faut reconnaitre que ces filles ont besoin de l’accompagnement car elles sont courageuses. Elles font des efforts malgré leur situation car nous savons tous que c’est difficile. Elles n’arrivent pas à suivre les cours normalement comme les autres et c’est marrant. » Pour ce faire, elle fait une suggestion : « L’Etat doit essayez de trouver un cadre pour qu’elles puissent garder les enfants car les enfants et les nourrices sont exposés à plusieurs risques. Là, elles pourront mieux suivre les cours comme il se doit. » Aussi, nous tendons notre micro à Nouhoun Bagayoko, Professeur certifié des lycées et collèges, option Français au lycée départemental de Barsalgho.
Le théâtre forum comme moyen de sensibilisation
Il intervient au GS/EDP en tant que vacataire. Il dépeint le phénomène avec remords :« La situation est déplorable dans nos lycées et collèges. J’ai mal du fait que ces filles n’arrivent pas à suivre les cours comme les autres camarades. Elles sont souvent absentes et viennent parfois en retard et leurs enfants les empêchent de suivre les cours en classe. J’ai vraiment un sentiment de regrets envers ces filles. Elles souffrent tant à la maison qu’à l’école. » Nouhoun Bagayoko invite ses collègues à cultiver l’indulgence envers ces filles-mères : « Nous devons être indulgent envers ces filles vu leur courage et les efforts qu’elles font. Nous devons songer à préparer l’avenir de ces filles-mères et leurs enfants car ils sont tous appelés à servir la nation tôt ou tard. » A en croire notre interlocuteur, le gouvernement doit adopter des textes pour recadrer la sécurité de ses filles-mères ainsi que leurs enfants dans les établissements scolaires au Burkina. « Et aussi appliquer une rigueur sanction aux auteurs qui refusent d’assumer leur responsabilité. », propose-t-il. Par ailleurs, M. Bagayoko est un acteur culturel en dehors de son rôle d’enseignant. Il fait des sensibilisations à travers des pièces théâtrales dans les établissements secondaires depuis son poste à Barsalgho.
Nouhoun Bagayoko, Professeur certifié des lycées et collèges, option Français au lycée départemental de Barsalgho: « Nous devons être indulgent envers ces filles vu leur courage et les efforts qu’elles font »
Malheureusement, avec le contexte sécuritaire, le lycée départemental de Barsalgho a été délocalisé à Kaya, suite à une attaque terroriste. En rappel, M. Bagayoko revient sur un témoignage d’un cas de fille-mère:« En 2018 quand j’enseignais à Barslogho, mon élève de 6ème âgé de 14 ans est venue à la rentrée avec un bébé dont la nourrice n’avait que 3 ans. Elle était abandonnée par sa famille et c’est l’action sociale et mon collègue professeur de science de la vie et la terre M. Benjamin Kaboré qui l’aidaient. »
Ainsi, nous avons approché quelques camarades de ses filles-mères qui ont accepté témoigné. Pour eux, ces filles souffrent tellement qu’elles n’arrivent même pas à suivre le minimum de cours en classe.
Nicolas Bamogo, élève en classe de Tle D, GS/EDP, apporte souvent son soutien aux filles-mères
Pour Sadiatou Sawadogo élève en classe de TleA au GS/EDP : «Nous devons les soutenir et les encouragés à aller de l’avant. » Et son camarade Nicolas Bamogo, élève en classe de Tle D, indique que les élèves sont souvent solidaires avec ces filles : « Souvent on fait de cotisation pour elles et leurs bébés. Je m’approche d’elles souvent et je les encourage.»
Une vue partielle du lycée des Jeunes Filles de Kaya
Il est 07h 25 mn au Lycée des Jeunes Filles de Kaya, ce jeudi 19 janvier 2023. Nous entamons le deuxième jour de notre reportage au lycée des Jeunes filles, situé au secteur 6 de Kaya, à proximité du foyer Sainte Monique de Kaya, côté Est. Comme son nom l’indique, c’est un établissement public d’enseignement général qui accueille uniquement des filles. Selon Moumini Sawadogo, Conseiller principal d’éducation (CPE) de cet établissement, on a : « 15 filles-mères. Parmi les 15, on a 2 qui sont mariées et 13 non mariées. » Avant que la vie scolaire ne nous mette à la disposition de nos interlocutrices, nous patientons dans les couloirs de la vie scolaire. Pendant que les élèves prennent les cours, certains sont en groupe d’études et d’autres sont au terrain pour le sport. Quelques minutes plus tard, une salle a été aménagée. C’est le début de nos échanges avec les élèves filles-mères.
Tamouhan Millogo,fille-mère en classe Tle D, LJF Kaya :« Je suis avec le père de mon enfant et ma belle-famille m’aide à prendre soin de mon enfant.»
Nous interrogeons Tamouhan Millogo, âgée de 24 ans. Elle est une fille-mère en classe de TleD. Voici comment elle nous explique sa situation: « Il est bien vrai qu’être fille-mère en milieu scolaire n’est pas facile. A mon niveau je ne trouve pas d’inconvénients car je suis avec le père de mon enfant et ma belle famille m’aide à prendre soins de mon enfant. Il est un orpailleur. Je suis acceptée par ma famille et mes parents continuent de payer ma scolarité. Mon fiancé s’occupe de moi. Ils m’ont même offert une moto pour que je puisse allez à l’école. Une autre difficulté est que nous n’avons pas d’abri pour nos enfants et cela nous dérange. » Malgré sa vie paisible Tamouhan Millogo n’a pas manqué de donner des conseils à ses camarades filles-mères et aux parents en particulier, elle les invite à raison garder pour éviter d’abandonner leurs filles dans ce contexte difficile de l’insécurité.
Martine Sawadogo fille-mère en classe de TleD, LJF Kaya, victime deux fois du mariage forcé
Si la situation semble aisée chez certaines filles-mères, force est de reconnaitre qu’elle est difficile, voire amère pour d’autres. C’est le cas de Martine Sawadogo, âgée de 26 ans en classe de Tle D. Elle a été victime deux fois de suite du mariage forcé en plus d’être fille-mère en milieu scolaire. Nous n’avons pas pu contenir nos larmes quand elle relate sa situation: « Je suis fille-mère en milieu. Cela n’a pas été facile pour moi. Issue d’une famille polygame j’ai d’abord été bannie par mon papa en complicité avec la coépouse de ma mère. C’est dans ce contexte que j’ai piqué ma grossesse. Lorsque ma famille a su, ils m’ont retiré de force chez le père de mon enfant et me donner en mariage après mon accouchement. En ce moment mon enfant avait 7 à 8 mois. Le monsieur en question m’a amené en Cote d’Ivoire. De là-bas, il était violent avec moi et j’ai fui pour revenir au Burkina en famille. Mes parents m’ont repris et donner à un autre monsieur de force. Mais là, je n’ai pas accepté, j’ai résisté et j’ai fui pour me retrouver à Kaya en 2019 pour reprendre mes études. A partir de là, je me suis retrouvée dans la rue et avec l’aide de mes camarades et mes oncles maternels j’ai eu un abri et j’ai continué mes études. Mais présentement, j’ai le dégoût du mariage. » De son expérience amer, Martine jette la faute sur ses parents qui l’ont refoulé malgré sa situation de fille-mère.
Kouka Ouédraogo fille-mère en classe de 1èreD, LJF Kaya : « Ma vie de fille-mère n’est pas facile »
Tout comme Martine Sawawdogo, Kouka Ouédraogo, 22 ans, n’a pas une vie facile étant fille-mère à l’école. Elle nous décrit sa situation : « Ma vie de fille-mère n’est pas facile. J’ai un bébé de 8 mois et demi et ma nourrice a 7 ans. Elle n’arrive pas à bien tenir mon enfant. Avec ses pleurs, je n’arrive pas à bien suivre les cours comme les autres. » Plus loin, elle nous décrit son vécu: « Je vie seule présentement. J’ai été rejetée par mes parents pendant ma grossesse car selon la tradition de chez nous quand une fille tombe enceinte hors mariage elle est bannie de la famille. Mais après l’accouchement, tu peux être acceptée après quelques rites. C’est ma mère qui prend soin de mon enfant et moi car le père de mon enfant à nié la grossesse. Mais avec l’aide de mes parents, il a fini par accepter, mais il ne prend pas soin de mon enfant ni de moi. Jusque là mon enfant n’a pas un acte de naissance. Il est un étudiant à Ouaga. » En dehors de l’aide de sa mère Kouka a eu l’aide de la « Croix rouge » entant que fille déplacée interne.
Augustine Ouédraogo, fille-mère en classe de 3èmeLJF Kaya : « je vis avec mon conjoint qui est un enseignant. Il m’encourage, me soutient et prend soin de moi et mon enfant»
Nous sommes toujours au lycée des jeunes filles de Kaya. Augustine Ouédraogo, âgée de 22 ans, classe de 3ème fait partie des filles-mères vivant avec leurs conjoints. Elle nous relate sa vie de fille-mère: « Je me sens mal à l’aise étant fille-mère à l’école car mon enfant a 1 an et ma nourrice a 10 ans. Elle n’arrive pas à tenir l’enfant pour que je suive normalement les cours comme les autres. Et ça perturbe les cours en classe avec les demandes de permissions et les pleurs. Car on n’a pas un cadre à l’école pour nos nourrices et nos enfants. Mais pour la prise en charge ça va car je vis avec mon conjoint qui est un enseignant. Il m’encourage, me soutient et prend soin de moi et mon enfant et je me sens à l’aise sur ce point. Seulement étant en classe d’examen avec l’enfant ce n’est pas facile.»
Pour mieux approfondir notre reportage, nous nous sommes inclinés vers quelques camarades de classes de ces filles pour arracher leurs avis. Pour ce faire, Aminata Ouédraogo, 17 ans, fait la classe de 2nde appellent à un soutien : « Les filles-mères sont aussi nos camarades comme les autres. Je demande à tous ceux qui peuvent les aider de le faire car elles souffrent. »
Un système éducatif qui tient compte des réalités des filles-mères
Tout comme Aminata, Colette Ouédraogo, 19 ans, est en classe de 1ère. Elle est du même avis que sa camarade. Elle ne cesse de marteler dans son propos : « Les filles-mères sont nos sœurs et nos camardes comme les autres. Nous devons éviter les moqueries et les encourager car être filles-mères n’est pas un mauvais sort. Au regard des conditions dans lesquelles elles sont elles ont vraiment besoin d’accompagnement. »
Géneviève Ouédraogo, Professeur certifiée des lycées et collège de Français, LJF Kaya : «A notre niveau nous avons initié des cours de soutien surtout pour celles qui sont en classe d’examen »
Tout comme les camarades des filles-mères, nous nous intéressons à leurs professeurs qui s’expriment aisément sur la question. Pour Géneviève Ouédraogo, Professeur certifiée des lycées et collège, option Français: « La situation des filles-mères est un phénomène qui ne fait que prendre de l’ampleur de jour en jour. On voit que malgré leur situation elles arrivent à tenir bon à l’école et mérite des encouragements. Mais en tant que professeur nous avons des difficultés en classe et là on peut noter les perturbations des cours par leurs sorties et les pleurs des bébés. » Madame Ouédraogo, de concert avec ses collègues ont initié d’accompagner ces filles : « A notre niveau nous avons initié des cours de soutien surtout pour celles qui sont en classe d’examen. Il est vrai que notre système éducatif ne tient pas compte de leur situation à l’école, mais nous ouvrons souvent des parenthèses pour des encouragements et des conseils.»
Abdoulaye Simporé, Professeur certifié des lycées et collèges, Science de la Vie et la Terre, LJF Kaya: « A mon avis ces filles on besoins d’encouragement et d’accompagnement.»
Nous tournons notre micro vers Abdoulaye Simporé, Professeur certifié des lycées et collèges, option Science de la Vie et la Terre soutient: « La situation est préoccupante car elle ne fait que prendre de l’ampleur. » Cependant, il comprend la situation des filles-mères, lorsqu’il clame: « Comme c’est une situation humaine on fait avec. Etant donné que la procréation est un phénomène naturel et normal. A mon avis ces filles ont besoin d’encouragement et d’accompagnement car même si elles sont souvent dans des erreurs, il faut reconnaitre qu’elles se battent.» Dans cette situation tout le monde est concerné. C’est pourquoi, nous nous tournons vers notre dernier interlocuteur dans cet établissement. Issaka Lankoandé, Proviseur du lycée des jeunes filles de Kaya. Puisse que c’est de lui qu’il s’agit, vient d’arriver dans son bureau. Sur la question, il reconnait que le phénomène existe et elle est réelle. « Mais avec l’accompagnement des ONG et des structures associatives qui nous aident dans les sensibilisations nous enregistrons un nombre peu des filles mères dans l’établissement. », soutient-il avant de souligner avec tristesse : « La situation joue sur leur rendement scolaire. Force est de reconnaitre aussi que leur situation nous permet de sensibiliser les autres. Et dans chaque situation on tire leçon. » Du bureau du proviseur, nous nous dirigeons à la vie scolaire. Plus près de nous, à côté d’un arbre nous voyons un groupe de nourrices qui sont arrêtés à l’air libre avec des bébés.
Une vue de nourrisses portant au dos des bébés dont leurs mère sont en classe
Moumini Sawadogo conseillé principale d’éducation, LJF Kaya : « Le phénomène existe et est réelle, elle est surtout devenue comme un phénomène de mode pour les filles »
Pour en savoir davantage sur la situation des élèves filles-mères au lycée de jeunes filles de Kaya, nous échangeons avec Moumini Sawadogo le conseillé principal à la vie scolaire. Selon lui: « Le phénomène existe et est réelle, il est surtout devenu comme un phénomène de mode pour les filles dans ces dernières années. Donc, elle est préoccupante. Notre établissement accueille 15 filles-mères selon les catégories sur plus de 500 élèves. Parmi les 15, on a 2 mariées et 13 non mariées. » A l’en croire, ce phénomène crée d’énormes difficultés tant au niveau des activités pédagogiques qu’éducatif. Face à cette situation, notre conseiller d’éducation n’a pas hésité à revenir sur quelques causes: « Vous savez, les parents ne jouent plus leur rôle d’éducateur. Ce qui fait que nous souffrons à l’école avec les élèves sur ce point. Une autre chose aussi ce sont les fêtes telles que les kermesses, les fêtes de fin d’année, le fameux 14 février, les nuits culturelles, les anniversaires (…) qui causent souvent ces situations.»
Rôles des mères éducatives
Il est 15h 15 ce samedi 21 janvier 2023 dans l’espace de la mairie de Kaya. Pour mieux mener le combat sur la situation des filles-mères, les structures associatives ne sont pas restées en marge. C’est pourquoi, nous nous sommes dirigés vers l’Association des Femmes Leaders pour le Développement (AFLD) du Sanmatenga dont le siège est situé non loin de la mairie de Kaya, côté Ouest, pour comprendre comment se fait la prise en charge de ces filles-mères.
Mme Binta Sawadogo, Présidente de l’association des Femmes Leaders pour le développement (AFLD) du Sanmatenga
Nous interrogeons Binta Sawadogo, Présidente de l’association. Elle nous revient sur la genèse de sa structure : « Nous avons pensé à créer cette association pour aider les filles et les jeunes femmes du Sanmatenga à se développer et à contribuer au développement du pays. Dans notre structure nous pouvons enregistrer 25 à 30 filles-mères par an toutes catégories confondues : celles qui sont mariées, celles qui ont abandonné leurs études par faute de moyens. Car j’ai moi-même été victime de cette situation.» Au regard de la situation dans laquelle elles se trouvent, Binta Sawadogo et son association font des actions au profit de ces filles-mères : « Nous leur donnons des conseils. Nous les accompagnons à s’intégrer dans la société, à trouver de quoi faire. En plus de cela, nous avons des ONG qui sont nos partenaires et qui nous accompagnent dans la formation de ces filles. Cependant, nous souhaitons toujours de l’aide aux bonnes volontés et l’accompagnement des autorités afin d’aider ces filles. » Ainsi, notre interlocutrice n’a pas hésité à saluer l’initiative de ce reportage de « KAYAINFO » sur les réalités que vivent les filles-mères à Kaya.
Awa Ouédraogo, fille-mère soutenue par l’association, victime de viol en classe de 3e : « L’association m’a beaucoup aidé car j’ai été victime de viol en étant à l’école et abandonnée par mes parents »
Sur place, nous avons tendu notre micro à quelques filles-mères pour avoir leur avis. Nous nous approchons de Awa Ouédraogo qui accepte nous répondre aisément : « L’association m’a beaucoup aidé car j’ai été victime de viol en étant à l’école et abandonnée par mes parents. Suite à cet abandon, je me suis retrouvée avec un homme qui m’a aussi abandonné en mi-chemin avec ma grossesse. Ce qui m’a dégouté la vie. Mais avec les conseils des mamans de l’association des femmes leaders, je commence à me retrouver un peu. Je suis aujourd’hui institutrice. Toute fière, j’arrive à prendre soins de moi et mes deux garçons. Je remercie les mamans pour cela car elles font beaucoup pour nous. »
Aminata Kargougou fille-mère, Déscolarisée, prise en charge par l’association des femmes leaders pour le développement du Sanmatenga
Aussi, nous retrouvons Aminata Kargougou qui nous livre son témoignage : « Je suis fille-mère soutenue par l’association. J’ai abandonné l’école pour cause de ma grossesse et mes parents qui semblent m’abandonner. Je dis ça car le papa s’est désengagé de ma prise en charge et c’est la maman qui se débrouille avec moi et le père de mon enfant aussi. Mais avec les mamans de l’association je compte reprendre mes études l’année prochaine (Ndlr: pour l’année scolaire 2023-2024). Et je me réjouis pour cet assistance de l’association.»
Il est 16h 05 mn à notre arrivée au Lycée Provincial Moussa Kargougou de Kaya. C’est le plus grand lycée de la région du Centre-Nord qui accueille 2 127 élèves. Dans la cours de l’établissement nous voyons quelques élèves qui bavardent entre eux sous les arbres, derrières les classes. Pendant ce temps, les autres suivent les cours dans les salles avec leurs professeurs. Nous nous dirigeons tout droit dans le bureau du Proviseur, guidé par la secrétaire. Maxime Sissa, c’est de lui qu’il s’agit, nous accueille avec joie, avec soulagement. C’est l’impression qui se lit sur son visage. Il était prêt et n’attendait que nous pour débuter l’entretien.
Maxime Sissa, Proviseur du Lycée provincial Moussa Kargougou de Kaya : « Nous essayons de faire de notre mieux tout en espérant qu’avec l’aide de votre média on bénéficiera d’aide des autorités et des bonnes volontés.»
Dans l’entame de nos échanges, il plante le décor en ces termes: « Avant de vous répondre je m’en vais saluer votre initiative et votre engagement. La situation des filles mères en milieu scolaire est un problème que nous vivons présentement dans nos établissements et en même tant un phénomène qui pose la problématique des grossesses en milieu scolaire. Et cela nécessite du sérieux surtout dans les efforts que nous fournissons à améliorer les résultats scolaires. »
Sur les statistiques, le proviseur Sissa, nous donne plus de détails : «Pour cette année (Ndlr : l’année scolaire 2022-2023) par exemple, nous avons 31 filles-mères dont 28 au secondaire et 3 au post primaire. Et comme je le disais tantôt on ne peut parler de filles-mères sans évoquer les cas de grossesses en milieu scolaire. Pour ces cas nous enregistrons une quinzaine de grossesses sur un total de 1166 filles dans l’établissement. Elles sont toutes considérées comme les autres élèves. Mais nous les prenons souvent comme des élèves vulnérables vu leur situation de vie.
« Nous ouvrons souvent des parenthèses pour leur donner quelques conseils et des encouragements en classe»
Certes, il y a des difficultés de gestion de ces élèves filles-mères, à en croire Maxime Sissa : « Mais ensemble avec l’administration nous essayons de comprendre et nous gérons à notre manière. Il faut noter que nous avons eu à gérer un cas ou l’élève a échoué pour ces causes et ensemble nous avons pris une décision lors d’un conseil de classe en lui donnant une seconde chance compte tenu de sa situation de fille-mère. Car elle n’avait personne pour l’aider. » Ici, tout comme dans les autres établissements où nous sommes passés, il n’y a pas un cadre aménagé pour héberger les nourrices qui s’occupent des bébés de ces filles-mères.
Sidonie Sawadogo, Professeur certifiée des lycées et collèges, Science de la Vie et la Terre, LPMKargougou : «Sur cette situation il y a un manque de cadre. Les professeurs dames en souffrent avec leurs enfants»
Après le proviseur, nous approchons quelques professeurs pour avoir leur regard sur le phénomène des élèves filles-mères. Sidonie Sawadogo, Professeur certifiée de Sciences de la Vie et de la Terre en service dans ce lycée, réagit à ce propos: « Comme nous le constatons, le phénomène ne fait que prendre de l’ampleur de jour en jour et surtout avec la situation du pays. Et la situation n’est pas facile à nos yeux. La plupart de celles qui sont dans cette situation n’ont pas l’esprit en classe lors des cours.» Pour y remédier, madame Sawadogo, apporte sa contribution en tant que mère : « nous ouvrons souvent des parenthèses pour leur donner quelques conseils et des encouragements en classe. Nous mettons l’accent sur la sensibilisation et l’éducation qui pourra aider à lutter contre ce phénomène.»
Yemboa Koudougou, Professeur certifié des lycées et collèges, Histoire-Géographie, LPMKargougou : « J’étais chef d’établissement dans le Sahel plus précisément au Lycée départementale de DEOU. Et dans cette localité on pouvait filles mères à l’âge de 12 ans et c’est vraiment déplorable»
Ensuite tout comme sa collègue Sidonie Sawadogo, Yemboa Koudougou, Professeur certifié, d’Histoire-Géographie, lui, il revient sur un témoignage quand il était Proviseur du lycée départemental de Déou, province de l’Oudalan dans la région du Sahel : « J’étais chef d’établissement dans le Sahel plus précisément au Lycée départementale de Déou. Et dans cette localité on pouvait voir des filles-mères âgées de 12 ans et c’est vraiment déplorable. Dans ce lycée, le personnel enseignant et l’administration, nous avons eu à aider une fille du nom de Aminata victime de ce phénomène de fille-mère, qui aujourd’hui évolue dans le domaine de la santé.» Si certains professeurs ouvrent des parenthèses pour évoquer la question des filles-mères en classe, d’autres sont réservés car pour eux c’est un sujet sensible qui peut jouer sur la psychologie des élèves filles-mères en classe, compte tenu du mauvais regard que la société porte sur elles et surtout dans un contexte de crise sécuritaire assez difficile pour des milliers d’élèves qui sont dans la nature. C’est pourquoi nous n’avons pas hésité à interroger quelques filles victimes.
Awa Sawadogo, élève fille-mère en 1ère A, LPM Kargougou dont sa mère est tombée lors d’une attaque
Awa Sawadogo, élève fille-mère, âgée de 20 ans est en classe de 1èreA. Malgré sa situation, elle est bien détendue pour répondre à nos questions : « Je me sens bien à l’école avec mes camarades et mes professeurs. Les professeurs nous encouragent. La preuve est que j’ai eu 10 de moyenne. Il n’y a plus de moqueries car je laisse mon enfant à la maison maintenant à cause du froid et du vent.» Pourtant, Awa est une élève déplacée interne (EDI) venue de Basnéré, un village situé à 30 km sur l’axe Kaya-Kongoussi: « Etant élève déplacée j’ai perdu ma mère lors d’une attaque de notre village. Avec ma grossesse, j’étais obligée de partir à l’action sociale pour demander de l’aide. Lorsque j’ai expliqué mon problème, l’action sociale m’a pris en charge et convoqué l’auteur de ma grossesse. Mais, il a fui pour aller sur les sites d’or au Mali. » Elle a laissé entendre que comme elle a la majorité absolue, l’aide de l’action sociale est coupée actuellement. Mais, Awa souhaite que « KAYAINFO » soit le relai pour que sa situation et celle de ses camarades puisse s’améliorer.
Pegdwendé Olga SAWADOGO fille-mère en classe de 2nde A, LPM Kargougou : «Je n’ai pas été rejeté par mes parents lors de ma grossesse »
Le constat que nous avons fait, c’est que plus de la majorité des filles-mères mènent une vie de calvaire. Contrairement à d’autres qui ont la chance de rester en famille avec leurs bébés. C’est le cas de Pegdwendé Olga Sawadogo, 21 ans en classe de 2ndA. Elle a été acceptée par ses parents pendant sa grossesse : « L’auteur de ma grossesse l’a reconnue et assume sa responsabilité étant étudiant à Ouaga. Il fait de son mieux pour la prise en charge de l’enfant. Ensemble on s’aide dans cette prise en charge de notre enfant. » Cependant, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Pengwendé est orpheline de père. Elle vit avec sa mère et ses frères et sœurs.
Kadidjiatou Sawadogo, élève fille-mère en classe de 2nd A, LMP Kargougou : « Je regrette d’être fille mère étant à l’école car ma condition de vie est très difficile »
« Je dois extraire du lait de mes mamelles pour l’enfant avant de venir à l’école »
En outre, il y a Kadidjiatou Sawadogo, fille-mère âgée de 21 ans en classe de 2nd A, qui regrette amèrement sa situation. Voici ses propos: « Je regrette d’être fille-mère étant à l’école car ma condition de vie est très difficile. Mon père n’est plus. Je vis avec maman. Et c’est lors de la recherche de quoi manger que je suis tombée enceinte. L’auteur de ma grossesse avait nié mais c’est avec un test à l’hôpital qu’il a reconnu la grossesse. C’est un boulanger et s’occupe de l’enfant selon ses moyens.»
Rasmata Sawadogo fille-mère en classe de 2nde A, LPM Kargougou : « Je prends le courage de continuer l’école et j’espère que ça va changer un jour par la grâce de Dieu»
Quant à Rasmata Sawadogo, elle vit en concubinage en tant que fille-mère par l’obligation de ses parents. Elle est âgée de 18 ans et fait la classe de 2nd mais vivant difficilement avec ses beaux-parents : « Je suis fille-mère mon enfant à trois mois et je vis dans ma belle-famille par obligation de mes parents. Je n’ai pas de problème à l’école car mon enfant reste à la maison avec ma belle-mère. Mais j’ai un problème d’alimentation. Souvent je ne mange pas à midi avant de retourner à l’école. Et je dois extraire du lait de mes mamelles pour l’enfant avant de venir à l’école. Donc c’est très difficile pour moi. » Nous finissons nos entretiens autour de 18h. Il faut noter que plus de la moitié des enfants des élèves filles-mères sont de sexe féminin. Le hic, c’est que la plupart de ces enfants n’ont pas d’actes de naissance. Ce qui interpelle plus d’un à se pencher sur la question car si rien ne fait, l’avenir du système éducatif est menacé.
Promouvoir l’éducation parentale
Yacouba Ouédraogo, Directeur régionale de Genre et Famille du Centre-Nord:« L’éducation au sein de la cellule familiale est à revoir car les filles voir les enfants même sont délaissés
Il est 15h 45 mn, ce lundi 23 janvier 2023 à l’Hôtel Administratif de Kaya où est siégé la Direction régionale du genre et de la famille du Centre-Nord. Nous arrivons au moment de l’heure de descente. Nous accédons au bureau de Yacouba Ouédraogo, Directeur régionale du Genre et Famille. Avant tout, il a salué l’initiative de ce reportage sur les filles-mères. Il nous décrit le phénomène des filles-mères dans sa région : « Il faut noter que 1 à 2/5 filles aujourd’hui dans la province du Sanmatenga, de la Région du Centre-Nord voir même du Burkina Faso un enfant en charge et c’est une situation que nous pouvons passer tout une journée à épiloguer. Et dans ce cas si nous voulons parler de statistique, on risque d’avoir des informations plus ou moins erronées. Mais, on peut donner une moyenne de 12% de filles-mères tant au niveau provincial qu’au niveau régional avec la situation qui prévaut. » Par ailleurs, à en croire le Direction régional en charge du Genre et de la famille du Centre-Nord, des actions sont pilotées par certaines structures d’ONG comme l’UNICEF-Burkina qui plaident pour la cause de ces filles. Pour Yacouba Ouédraogo, pour lutter contre ce phénomène, il faut l’implication réelle des familles : « L’éducation au sein de la cellule familiale est à revoir car les filles voir les enfants même sont délaissés par les parent qui ne jouent pas leurs rôle. Le manque d’accompagnement de certaines filles les amène souvent à des mauvaise pratiques, il y a aussi l’union forcée des enfants couramment appelée mariage forcé. »