Reconquête du territoire : L’espoir renaît à Baortenga et Zipallé
Baortenga et Zipallé (noms d’emprunt). Les ex-fiefs des groupes armés dans la commune de Pissila, dans le Sanmatenga, région du Centre-Nord. Il s’agit des localités libérées par nos vaillants combattants de l’Armée burkinabè. Après deux années en déplacement forcé, les villageois de ces localités se réapproprient leurs terres agricoles léguées par leurs aïeuls. Quelques jours après leur réinstallation pour les forces combattantes, une équipe de KAYAINFO.NET a fait une immersion, les 21 et 22 août 2023 dans ces deux villages libérés. Reportage !
Photo RBS : Derrière cette moto, symbole de la reconquête du territoire, un champ dont les plantes sont en montaison
Elles sont nombreuses ces populations déplacées qui ont regagné leurs villages dans cette partie de la province du Sanmatenga, région du Centre-Nord. Elles ont retrouvé la terre cultivable de leurs ancêtres, après plus de deux ans pour certains et trois ans pour d’autres avec un sentiment de joie. En cette période de saison pluvieuse de ce mois d’août, des populations ont repris les travaux champêtres sous la vigilance des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) qui sont en alerte maximum.
Armée d’un stylo, calepin et micro à la recherche de la bonne information, notre équipe touche du doigt les réalités de vie de ces personnes déplacées internes (PDI) ayant retrouvée l’espoir de vie. 17h 05mn ! Nous enfourchons notre engin à deux roues. Direction, Pissila, une localité située à une trentaine de Km d’environ de la ville de Kaya. Escale dans une station d’essence de la place pour s’approvisionner du jus. Nous vérifions l’état des pneus de notre moto avant de prendre la suite du trajet. Notre guide : un VDP. Direction à la rencontre des PDI réinstallées dans leurs villages respectivement à Baortenga et à Zipallé, toutes des zones reconquises par nos forces combattantes. Croyant un arrêt au péage ou au contrôle, la voie est libre. Les récoltes en floraison, les gens accroupies dans leurs champs de part et d’autre aux abords de la route, la saison est prometteuse et bien partie dans les petits villages que nous rencontrons. Par peur, les habitants de ces villages ne se sont pas éloignés de leurs concessions pour les activités agricoles.
D’un village à l’autre, on ne voit que de beau paysage. Certes, aucune présence humaine n’est remarquée, néanmoins les ramasseurs de sable dans les bas-fonds se font signaler. Sur la route, la vitesse des populations sur leurs engins traduit leur peur. Des stigmates des attaques terroristes sont toujours béants de part et d’autre de notre chemin. Des véhicules calcinés sont aussi remarqués aux abords de la route. Malgré la peur, la voie reste toujours praticable par les plus courageux. Car ils sont rassurés de la présence des VDP et FDS qui sont aux aguets. Nous empruntons le premier virage sur la voie rouge, côté gauche qui mène au premier village. A quelques vitesses d’accélération, nous sommes au village de Baortenga. Le soleil est déjà au crépuscule, les cultivateurs sont toujours dans leurs champs. Chacun se précipite pour racler les dernières herbes avant la couchée du soleil.
La joie de regagner les champs
Il est 17h 39mn ! Saaga (nom d’emprunt) nous héberge. Après quelques minutes d’échanges, il nous fait visiter les champs qui sont autour de sa concession. Dabas en main, Awa (nom d’emprunt), la quarantaine bien sonnée, la multipare de sept enfants s’active pour les derniers désherbages de son champ de niébé avant le coucher du soleil. Elle est membre de la famille de Saaga. Ravie de recevoir une journaliste auprès de qui dame Awa manifeste sa joie de regagner la cour famille. «Déjà nous sommes contents de savoir que des gens de la ville nous rendent visite. Le fait de penser à nous qui vivons dans ce village qui avait déguerpi dû à l’insécurité, où tout le monde a peur de venir, c’est vraiment très bien. Nous sommes très contents pour avoir repris nos dabas après tant d’années de souffrance en ville», se remémore-t-elle, les yeux presque embués de larmes. A l’entendre, tout individu se sent toujours mieux chez soi. Que cela ne tienne, l’ex-déplacée interne dit merci à toutes les bonnes volontés qui les ont soutenues lors de leur déplacement forcé à Kaya.
Photo RBS : les femmes et les enfants s’occupent des champs (Ici entrain de cultiver un champ de haricot)
A un jet de pierre, nous sommes dans le champ de poids de terre de Assèta, âgée de la trentaine et mère de cinq bambins. Sans ambages, elle se confie à notre micro. « Grâce aux efforts des soldats, nous cultivons cette année. Et nous sommes fiers car cela fait des années que nous ne cultivons pas». Et, ce grâce à l’engagement des VDP dont fait partir son époux. «Mon mari Barké est un VDP. Il ne vit pas avec nous. Il vient de temps en temps nous rendre visite. Nous ne sommes pas du village mais l’accès aux terres cultivables n’a pas été difficile car certains de nos parents vivaient dans ce village. Je suis très contente. Cette saison m’a permis de faire mon potager», se félicite-elle.
Son retour dans son village natal et l’activité agricole qu’elle a pu entamer cette saison lui donne un espoir de vie meilleure. Plus loin, nous visitons le champ de niébé de Kimsé et de sa coépouse. Elles sont toutes des sexagénaires et se réjouissent pour avoir retrouvé la terre de leurs ancêtres. Dans ce village, la plupart des hommes se sont enrôlés comme VDP. «Il n’y a que les femmes et leurs enfants qui s’adonnent aux travaux champêtres», indique une de nos interlocutrices. Cependant, Tiguèni reste une exception à nos yeux. Dans son champ d’arachide, Tiguèni vient périodiquement de Kaya pour aider ses femmes à cultiver. « J’étais en exil pendant l’enrôlement des VDP. Je suis revenu dans mon village pour me faire enrôler. Mais, pour le moment j’attends. J’ai toujours rêvé d’être un VDP car je suis prêt à défendre ma nation et sauver mon village. Je vous remercie pour l’opportunité que vous m’avez donnée de m’exprimer», justifie-t-il.
La nuit dans ce village reconquis
Il est 19H 30 à Baortenga. Nous passons notre première nuit dans cette bourgade. Dans ce village, par groupe, des femmes, des hommes et des enfants se réunissent autour des plats pour le diner. Le fait qui puisse marquer tout étranger dans ce village c’est les moments des repas. Les gens se regroupent par concession pour se régaler. Ici, on ne connait pas la différence de genre, d’ethnie ou de profession. L’harmonie, la paix et la cohésion sociale sont des valeurs sûres dans ce village. Cependant, nous remarquons un silence assourdissant. Aucun retentissement de coups de pilon ne se fait entendre à cette heure de la nuit. Tout compte fait la peur laisse ses traces dans la causerie des habitants. A en croire les murmures de notre guide. Quelques minutes après le dîner, chacun regagne son dortoir. Nous passons cette nuit paisible dans une maison de dix tôles où nous sommes une dizaine sur des nattes.
Mardi 22 août 2023. Le soleil commence à distiller ses rayons sur Baortenga. Après les salutations d’usages avec mon hôte et toute sa famille, nous sollicitons la route. Sans ambages, le chef de ménage nous souhaite bonne mission. Notre guide fait un tour dans son champ avant notre départ. Direction : Zipallé. Un village voisin situé à 3 Km de Baortenga. Ici, les villageois majoritairement des femmes et enfants sont aussi préoccupés par les travaux champêtres. Les buissons ont envahi les voies. Le village est sécurisé par des Forces de défense et de sécurité (FDS) et des VDP. Le contrôle y est dès l’entrée de ce village qui a subi une attaque meurtrière il y a de cela quelques mois. Nous sommes enfin arrivés à Zipallé. Le Conseiller villageois de développement (CVD) est notre nouveau guide. Situation oblige, une explication claire de l’objet de notre visite au chef VDP. Nous avons reçu le feu vert pour mener les entretiens.
Agée de 40 ans et multipare de deux enfants, Odille (nom d’emprunt) nous reçoit dans son champ de niébé. « Cela fait des années que nous ne pouvions pas mettre pied dans ce village. Mais grâce au soutien des VDP et les FDS nous sommes revenus et nous rendons grâce à Dieu pour cela.», salut-elle.Eu égard à la situation sécuritaire, il est interdit de cultiver les semences hautes, notamment le mil, le maïs… De ce fait, les populations ont labouré les arachides, le poids de terre ou le niébé.
Nous reprenons congé d’Odille. Un peu plus loin, nous rejoignons la sexagénaire Omtenmin. Elle nous accueille avec joie. Dabas en main et sueurs inondant le visage, elle racle quelques herbes. Elle nous remercie d’avoir pointé du doigt leur réalité de vie et de travail. Venue d’ailleurs, cette vieille femme se réjouie pour avoir retrouvé sa dabas. « En cette saison pluvieuse je rends grâce à Dieu car à la fin des récoltes, je pourrai avoir des condiments ainsi que des arachides et du haricot et autres spéculations pour mes belles-filles et mes petits-enfants», indique-t-elle. Ici, l’effort de paix bat son plein. Le sursaut patriotique est de bon enfant. C’est le cas du vieux Wendtaré qui est dans sa boucherie.
Même s’il ne sait pas enrôler VDP, ce boucher se charge de trouver de la bonne viande pour les populations dans la commune voisine où le service vétérinaire fonctionne normalement.
Insertion vidéo de l’appel du chef
Tradition oblige, nous rendons visite aux notabilités du village sous la conduite de notre guide-VDP. Après avoir salué notre initiative de ce reportage, le chef coutumier lance un vibrant appel aux habitants du village qui sont toujours en ville à revenir défendre les terres des ancêtres léguées. «Il est vrai que nous avons connu une attaque qui a causé pas mal de morts de nos soldats, mais nous sommes toujours débout. Nous n’allons jamais céder la place à l’ennemi. Tout est rentré dans l’ordre maintenant.», déplore-t-il.C’est pourquoi, il interpelle toutes les filles et fils du village à ne pas céder la place à l’ennemi. Et d’ajouter : «Nous devons garder le courage d’affronter l’ennemi tout comme il a ce courage d’attaquer nos villages. Nous sommes déterminés à réinstaller ce village jusqu’au prix du sacrifice.» Au nom de ses ancêtres, le garant de la tradition implore Dieu de protéger ses populations et de les aider à vaincre l’ennemi commun, le terrorisme. Ce qu’il faut noter, c’est que ce notable est activement engagé dans le combat sur le terrain de la reconquête du territoire national. Pour preuve, nous voyons devant lui son arme de combat qui est soigneusement garder et bien positionner. Pour la moindre alerte de l’ennemi, tout le monde doit se mettre en action de combat. Le chef et son groupe ont manifesté leur joie de voir que nous nous intéressons à ce qui se passe dans leur village. Pour lui, c’est une occasion pour relayer les vraies informations aux citoyens, pour démentir la désinformation qui est distillée sur les réseaux sociaux. Le CVD de Zipallé met l’occasion à profit pour traduire toute sa reconnaissance au gouvernement de Transition pour les efforts consentis dans la reconquête et la réinstallation de leur village. «Nous luttons pour que l’école soit mise en place en faveur des enfants car cela est très important », souhait-t-il. La plupart des maisons des villageois se sont écroulées. «Mais nous sommes en train de s’organiser en groupe avec les jeunes pour s’entre-aider à les reconstruire.», souligne le CVD, désespérément. Malgré le début tardif de l’hivernage, la moisson sera bonne, selon le CVD, en ce sens que les cultivateurs ont bénéficié de semences de qualité adaptés à la saison des pluies. «Pour le moment, les gens s’occupent bien de leurs champs de niébé, d’arachide, d’oseille, et autres cultures à part le mil et le sorgho», se félicite-t-il.
Tout comme le chef, le CVD-VDP termine en invitant les ressortissants du village à regagner leur contrée. La peur a plié ses bagages dans ces lieux jadis occupés par des groupes armés.Un fait anodin que nous avons remarqué, il y a plus de populations qui ne sont pas natifs de ce village qui s’y ont installé confortablement. C’est le cas d’Elisabeth, une jeune dame de 30 ans qui vient d’un village de la commune voisine située à l’Est de Zipallé. Lorsque nous l’avons interrogée, elle se réjouit d’avoir pu s’installer dans ce village reconquis pour cultiver car elle est certaine qu’à la fin de cette saison, elle récoltera par la grâce de Dieu des condiments et des arachides frais pour assurer les besoins alimentaires et sanitaires de ses enfants. Le souhait le plus ardent de dame Elisabeth est le retour de la paix au pays des hommes intègres.
Il faut noter que dans ces deux villages reconquis où nous avons visités, chaque citoyen a un rôle bien déterminé à jouer car étant conscient que c’est ensemble, main dans la main, que nous pouvons lutter contre l’insécurité dans la province du Sanmatenga et faciliter la réinstallation des populations. Dans la pratique, nous avons constaté que les femmes et les enfants s’occupent des travaux champêtres pendant que les hommes sont tous engagés au front pour la reconquête du territoire national. En attendant, les PDI réinstallées souhaitent que le gouvernement et ses partenaires humanitaires les accompagnent en matière de relèvement.
Rasmata Bébé SAWADOGO KAYAINFO